Salut Pa’. Je suis en quarantaine et je pense à toi. Oui tu as bien lu, en quarantaine. Ça a commencé il y a quelques mois de cela en Chine. Une maladie, le Covid-19, est apparue et s’est mise à envahir la planète. En peu de temps, des villes et des pays se sont enfermés chez eux afin de réduire au maximum les décès. Je me souviens de mon dernier jeudi de travail, il annonçait une tempête le lendemain. J’ai dit à certaines de mes collègues avant de partir, mi- anxieuse et mi- amusée : « R’gardez bien demain ce sera tempête et après on ne reviendra pas »… Ouin ben c’est ça, je n’y suis pas retournée depuis.

Legault essaie de mettre en place tout ce qu’il peut pour sauver des vies (parce que oui l’ACAQ est au pouvoir!). Il nous parle de distanciation sociale et d’éviter les rassemblements. Quand je marche dehors pour prendre l’air, les gens changent de trottoir pour éviter de croiser d’autres personnes. Ils ont peur. Je dois avouer que moi aussi le soir en me couchant, lorsque je pense aux 6000 morts (et plus!) en Italie, j’ai peur. Je me dis qu’avec mon asthme, mes sinusites et mes bronchites si j’attrapais cela ça pourrait « chier su un temps » comme on dit.

Te souviens-tu papa quand j’étais petite et qu’on passait des heures à marcher en raquette de babiche ou à skier dehors, dans le bois derrière chez nous? Bon, c’est vrai que j’étais la première à me plaindre que le vent était trop frette pis que ma soute était mouillée, mais on riait beaucoup. C’était le bon vieux temps. Plein d’air pure, de moment présent et d’insouciance. C’est certain qu’en ville s’est un peu plus difficile de respecter la parfaite distanciation sociale quand chacun des côtés de ton immeuble c’est un autre immeuble. Je les comprends les gens de ne plus trop savoir quoi faire pour profiter un peu de l’extérieur sans tomber malade ou être tenu responsable d’un décès éventuel.

L’autre jour dans La presse, Boucar a dit qu’à force de détruire sa planète, l’homme détruit également la maison des animaux sauvages. Que c’est pour cela que ceux-ci se rapprochent de nos maisons et apportent, bien malgré eux, des maladies qui se font un plaisir de muter et d’attaquer l’homme. Tu vois, ça fait longtemps que j’ai compris que l’homme était son propre ennemi, avec ses guerres et son désir infini de pouvoir. Mais je dois dire que celle-là, je ne l’avais pas vu venir.

T’imagines, c’est certain que cette année passera à l’histoire. Que tes petits enfants, rendus au secondaire, verront ce pan de vie se dessiner dans leur cours d’histoire comme s’il s’agissait d’une ancienne époque. Il me semble que je tendrais leur dire à noël quand l’un deux raconterait avoir vu un truc complètement fou dans son cours avant les vacances : « Ça mes petits amis, ça a été tout un moment. Je vais vous raconter ça ».

Mais en attendant, on attend. On croise les doigts à chaque communiqué de presse pis on s’accroche au fait qu’au Québec, on s’est pris d’avance. Certains ont perdu leur emploi, d’autres font de leur mieux pour faire ce qu’ils ont à faire en direct de leur 4 ½ avec leur petit qui joue à côté. Les réseaux sociaux explosent de vidéos et d’offres de divertissement. Les gens tentent de contrôler l’incontrôlable. De retrouver un semblant de normalité dans une situation complètement fuck up. Pis il y a tous ceux qui vont au front pour nous, qu’on ait pris soin de notre planète et de la maison des animaux sauvages ou non. Ces guerriers qui côtoient cet ennemi jour après jour au risque d’être le prochain à se faire brancher sur le respirateur artificiel. Le prochain pour qui son collègue priera en espérant sauver le premier patient entré aux soins intensifs à cause du Covid-19. Une chance qu’on les a. Tellement. C’est digne d’un livre d’histoire à réécrire c’est certain!

Mais tu sais papa, aujourd’hui je me dis que je m’en fous de passer à l’histoire. Je l’aimais bien moi l’histoire du Québec calme et protégé de tout. Moi ce que j’aimerais vraiment, c’est mettre mes raquettes pis partir me promener avec toi qui me dirais « vient-en ma grande fille, ça va bien aller ».