Je suis une fille et j’aime le sport. Je peux même dire que je suis sportive. Si vous lisez cet article, c’est certainement que vous l’êtes aussi ou que vous en côtoyez au quotidien. Y a-t-il quelque chose d’étrange à être une femme et faire du sport? Au premier regard, non. Mais pourtant, à l’âge de 13 ans, 7 jeunes sur 10 quittent le sport organisé…6 filles pour 1 gars. Au même âge, seulement 2% des filles font assez d’activité physique au quotidien afin de maintenir une bonne santé…2%! Clairement, ces statistiques méritent qu’on s’y attarde.

Comprenez-moi bien, je ne dis pas que les garçons ne vivent pas leur lot de défis. Cependant, cette série se veut un regard sur le monde sportif au féminin, au meilleur de mes connaissances actuelles (n’hésitez pas à pousser plus loin vos recherches 😉 ), afin de faire progresser notre vision et de favoriser l’accomplissement des femmes dans leur sport ainsi que leur maintien dans le monde sportif.

 

Le sport et l’image corporelle

Lorsque l’on parle de femme et de sport (et même de femme tout court) on parle souvent de poids et d’apparence. Il m’est déjà arrivé de perdre trop de poids, suite à un problème de santé, mais d’entendre au quotidien non pas « Tu as perdu beaucoup de poids, comment vas-tu? » mais plutôt « J’aimerais ça moi aussi avoir ce problème-là! » et « Wow chanceuse t’es mince !! ». On va se le dire, ça ne fonctionne pas. Malgré la montée du féminisme et des mouvements pour l’acceptation de notre corps tel qu’il est, l’image demeure tout un défi pour la femme en sport. Comment être belle, forte, puissante, mince et sexy à la fois (et tout le temps)? Comment porter un enfant, mais retrouver ces standards le plus rapidement possible?

Il est vrai que pour performer à un certain niveau, le poids devient un élément (parmi bien d’autres je précise) à prendre en considération. Mais parfois on oublie qu’en fixant le poids, on développe bien d’autres problématiques et on y perd ce qui est central pour demeurer dans le sport et performer : le plaisir!

 

Mais pourquoi les filles et les femmes semblent se débattre davantage avec l’image corporelle et le poids?

Malgré la progression des mentalités, les standards sociaux demeurent bien ancrés. Prenez 5 minutes pour scroller sur Tik Tok ou Instagram. Que voyez-vous ? Il ne suffit pas de faire du yoga, il faut le faire en sous-vêtements, avoir un corps qui attire l’œil (lire ici mince) et être maquillée en prenant son thé du matin. Je caricature… à peine. Ces personnes que les jeunes filles voient quotidiennement ont définitivement un impact sur ce qu’elles désirent refléter comme image. L’absence de modèle sportif féminin, positif et hors standards est clairement un facteur d’amplification.

Je vous entends me dire : Ok ouin, mais avant les réseaux sociaux, c’était là aussi…

Avant IG et Tik Tok il y avait la télévision, et avant…. La femme qui devait porter un corset dans sa robe du dimanche à l’église. Le corps de la femme a été sculpté selon certains standards dont il est difficile de se détacher, nous ne pouvons le nier.

Cette vision de la femme est bien ancrée dans les mentalités et elle l’est aussi dans le sport. Les femmes commencent à s’intégrer dans divers sports (et c’est super!) mais pratiquent en majorité des sports plus « anciens » comportant une importante partie esthétique dont la gymnastique, la danse et le patinage artistique. Au moment même où elles sont en recherche d’identité et se questionnent sur ce qu’elles désirent projeter comme image, elles se font juger sur leur apparence. Mais qu’en est-il lorsque ta concurrente est naturellement plus mince, plus « allongée » et a un corps bien proportionné? Qu’arrive-t-il lorsque l’entraîneur, un peu découragé te rappelle que « si tu perds 10 lbs peut-être que tu sauteras aussi bien qu’elle » ?

 

Qu’elles sont les conséquences possibles?

Je pense que l’on peut s’entendre pour dire que l’estime de soi en prend un coup! Et là j’entends certains me dire derrière leur écran : « Ouin, mais la job de l’entraîneur c’est aussi de pousser la jeune à performer et à mettre les efforts qu’il faut pour y arriver ». Je suis d’accord avec vous. Et peut-être que certaines personnes auraient rebondies sur cette phrase (mal habille!) pour montrer à l’entraîneur de quoi elles sont capables. Mais selon ce que l’on connait maintenant de femmes dans le sport, je vous garantis que ce n’est pas à l’aide de ce genre phrase qu’on les garde dans le sport 😉 Mais bon j’élaborerai davantage dans les prochains articles sur ce qui importe à mettre de l’avant pour maximiser leur implication et leur performance… je reviens aux conséquences.

Lorsque la femme désire atteindre ces standards, elle est sujette à contrôler de plus en plus ce qu’elle mange et à potentiellement ne pas donner assez de carburant à son organisme afin de performer. Cependant, ce qui est délicat, c’est que pendant un laps de temps, elle risque en effet de maigrir et de performer… Il est donc assez facile d’être encouragée à continuer dans cette voie. Et là on est à risque de voir apparaître la Triade de l’athlète féminine ou maintenant appelée le Relative Energy Déficience in sport (RED-S) en plus d’un potentiel surentraînement ou épuisement sportif. La femme voit alors certains signes physiques tels que la perte ou la modification des règles, la fatigue, l’intolérance au froid, l’irritabilité et bien d’autres apparaître. Quelle femme ici n’a pas déjà rêvé ne plus avoir de règles?! Je vous comprends! Mais… malheureusement la baisse ou la transformation du cycle menstruel vient, la majorité du temps, avec une baisse d’œstrogène… hormone responsable de la densité osseuse! Une femme ayant une moins forte densité osseuse est alors plus sujette aux fractures de stress et autres blessures pouvant entraîner l’arrêt du sport. Se rendre à ce point signifie également un long rétablissement physique, émotionnel et mental.

Il est évident que l’image de soi (envers soi-même et envers les autres) est alors biaisée et que cette image faussée entraîne une panoplie de pensées parasites et d’émotions inconfortables. Et on s’entend… on a clairement perdu de vue les facteurs de base de la motivation au sport soit le plaisir, l’accomplissement, le sentiment de compétence et le sentiment d’appartenance. En plus des blessures physiques potentielles, ce sentiment de ne pas être assez et de ne pas être à la hauteur peut entrainer ce qu’on appelle des blessures relationnelles… l’une des trois blessures pouvant provoquer l’arrêt du sport chez les filles.

Bref, il est clair que l’image de la femme de façon globale et dans le sport se doit d’être retravaillée. De plus, la présence de modèles féminins positifs, et ce, dans divers sports, peut définitivement représenter un levier significatif pour maintenir les femmes dans le milieu sportif. En commençant à modifier notre discours, à mettre de l’avant nos forces et notre unicité et en comprenant mieux comment notre corps fonctionne (il y aura un article sur le cycle menstruel dans le sport c’est certain!) on participe à ce changement. Puis, comprendre réellement ce qui drive les filles… comment les pousser positivement à se dépasser est essentiel parce que même si elles pensent différemment que les garçons, lorsqu’elles s’investissent elles peuvent tout rafler. 😉

 

Références :

Cox, R. H. (2013). Psychologie du sport. Traduit par Christophe Billon. Bruxelle : Édition De Boeck Université.

Femmes et sport au Canada (2020). Gardons les filles dans le sport. Formation repérée au : https://womenandsport.ca/fr/accueil/

Nowak, A., Ziltener, J-L et Bonfanti, S. (2016). Triade de l’athlète féminine : quoi de neuf? Revue médicale Suisse, 12, 1262-1265.

Vallerand, R.J., 2007a. Intrinsic and extrinsic motivation in sport and physical activity: a review and a look at the future. In: Tenenbaum, G., Eklund, E. (Eds.), Handbook of sport psychology, 3rd ed. John Wiley, New York, pp. 49–83.