Ça commence par un geste anodin.
Un regard détourné le temps d’un rire déplacé ou d’une moquerie à demi- dérangeante.
Le temps que la cloche de récrée sonne et que la prof nous crie d’entrer.
Une parole anodine prononcée amoureusement, par peur d’influence et de destinée interrompue.
Une main dans les cheveux de l’enfance « tiens-toi pas avec ce monde-là, c’est pas du bin bon monde mon gars. »

Ça commence par ton voisin différent.
Celui que tu aimais, avec qui tu jouais. Qui a dû déménager.
Retourner dans son pays, sa demande d’immigration n’étant pas acceptée.
Il y a eu une promesse de lettre, de cartes postales. Mais bon, la poste là-bas ce n’est pas comme ici, peut-être qu’il ne les a jamais reçues au fond.

Ça commence par la peur de l’immigrant qui vient certainement voler tes terres.
Prendre ton pouvoir, comme tes ancêtres l’ont fait avant toi.
Si on l’a fait… ça doit bien se refaire…
La couverture tirée ben fort de notre bord pour maintenir la distanciation sociale à l’année… de bien plus de 2 mètres…
Le faussé bien tranché entre les deux mondes, le pouvoir toujours intact.

Ça continue plus tard.
Le temps de fermer la télévision ou la radio.
Une fraction de seconde pour chasser cette idée, cet inconfort que l’on ne peut pas trop supporter. Le temps d’ouvrir IG pour faire défiler la bonne nouvelle.
Les paillettes et les dentelles.

Ça continue plus tard.
Avec la Guerre en Asie du Sud et la famine en Afrique Centrale.
Les enfants soldats en Soudan du sud et le trafic de personnes en Amérique centrale.
« On ne peut pas toute les sauver! » qui disent.
« Vive l’Amérique! » … qui disent.
Une blague prononcée à lèvres pincées. Une bière à la main entre chums parce que les « Arabes sont tous pareils » ou que « les noirs sont juste bons à faire grandir le crime organisé .»

Ça continue avec toi.
Lorsque tu fermes les yeux sur ce que tu vois.
Lorsqu’il est plus facile de retrouver le confort de ce que tu as gagné à la sueur de ton front parce que toi, « tu l’as mérité ».
Parce que t’as de la chance d’être venu au monde ici et que personne ne te volera ça « tu le garantis ».
Parce que ton titre, ton nom ou ton badge vient avec un pouvoir insoupçonné et que tu décides de tout perpétuer.

Ça se termine avec nous.
Lorsque les armes sont déposées et les peurs regardées.
Lorsque nos regards se croisent.
L’humain. Là, seule.
Simplement.

Parce qu’en dénonçant on brise ce cercle insidieux.
En criant haut et fort que la communauté est ce que l’on a de plus précieux, les cœurs se reconnaîtront.
Peu importe la couleur, le lieu d’origine ou l’identité sexuelle.
Parce que l’on décide que demain sera autrement et que les mots Justice et Liberté seront mis de l’avant.